Publié par : Loutre | 25 février 2014

Revenir sur ses pas

La nuit a cousu dans le ciel sahélien
Un drap étoilé au voyageur qui passe.
Heureux comme Ulysse, il retrouve ses traces
Laissées dans les yeux et le sable africain.

Il ne voulait être « celui qui revient »,
Il ne voulait pas regagner une place
Ni compter gestes et pas. Car qu’il en fasse
Cent ou mille, il en manquera toujours un.

Les astres n’ont pas fini de plaire aux mages,
Ils brillent toujours, dans l’espace et les âges.

Tant qu’il y aura, là haut, des étincelles
Et des voyageurs pour regarder vers elles,
Lors ils partiront vers l’ultime cloison
À la quête du pas au delà l’horizon.

18 mois se sont écoulés depuis mon départ du Tchad. Entre temps, j’ai retrouvé la France, un travail. Vous connaissez peut-être la sensation un peu désagréable de renfiler ses affaires sales au sortir de la douche : c’est un peu pareil, l’homme nouveau a retrouvé ses anciennes défroques. Mais passé le temps de la réinstallation, l’esprit divague vers d’autres aventures.

Étrange expérience, que de revenir sur ses pas. On craint de ne pas retrouver ses traces et de recevoir avec trop de violence l’image de ce qui n’était devenu que des souvenirs. Ce pourrait être un peu la même sensation que le retour en France, il y a 18 mois, quand je me trouvais empoté dans mon propre pays, ma propre famille — heureusement, elle est géniale — à essayer de retrouver ma place.

Je suis donc revenu à N’Djaména, exactement un an après mon arrivée à Santiago, jour de l’Épiphanie. Bel anniversaire, j’y trouvais pléthore de symboles. La même étoile me conduisait aux deux endroits.

Le soleil, la chaleur, la rumeur de la ville, le son des langues, des balafons, des youyous, les couleurs des pagnes, le noir des peaux, le sable jaune qui vole, les arbres verts en janvier, le Chari, le Logone, tout cela m’appartenait encore. Je marchais dans les rues les poumons gonflés, sensible à chaque vibration du vent, à toutes les odeurs.

Dans la maison des volontaires, le confort s’est amélioré, beaucoup de travaux ont été faits. Je retrouve la famille K., les collègues, tous ces lieux de vie, de travail, la joie de se revoir est réciproque.

Mais chaque voyage est unique : il ne se définit pas par la destination, mais par l’intention, toujours différente ; et cette fois ci, il ne s’agissait de m’y installer pour deux ans ! C’était l’occasion d’un fameux tour dans le sud du pays, en empruntant toute une collection de moyens de transport :

  • Le gros bus entre N’djaména et Sarh
  • La moto entre Sarh et Doba
  • Le petit bus entre Doba et Kélo
  • La benne du pick-up entre Kélo et Laï
  • Le petit bus entre Laï et N’djaména
  • (a manqué la charrette à bœufs pour un gala complet)

Allez, petite séance photos :

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Bien sûr, il y a eu les pépins traditionnels : les interminables temps d’attente, pour charger le bus ou le pick-up. Les pannes inévitables, comme le carburateur de la moto qui casse, tellement typique !

Et de belles rencontres, comme celle un peu inattendue de la sœur Arizono, religieuse japonaise. Je l’avais connue à N’djaména. Maintenant elle est en brousse, pas loin de Laï. Elle m’avait très bien accueilli à N’djaména ! J’étais heureux de la revoir : les éclairs de jeunesse dans ses vieux yeux m’émerveillent toujours.

Ou bien un dimanche en brousse, les paroissiens nous ont si bien accueillis. Après la messe, ils nous convièrent à manger une boule à l’ombre des manguiers. Puis l’un des responsables nous guida au marché du village.

Étrange mois de janvier… de retour en France, un peu grisé par cette parenthèse enchantée, j’ai du mal à me remettre au travail. L’Afrique me donne la gueule de bois.


Réponses

  1. Surtout la France d’en ce moment, elle est bien triste malgré les interludes grandguignolesques !
    Il faut savoir y dénicher la poésie et le positif qui s’y cachent, oublier les visages dogmatiques et les bruits de scooter…
    Votre poème est bien beau : puisque vous avez cette âme de poète, vous saurez trouver les étoiles à travers la grisaille.

    • Merci Clémence !
      Mais vous savez, la grisaille aussi peut-être source d’inspiration, le produit sera peut-être un peu plus spleenesque.

      À propos de spleen et de voyages, on pense à Beaudelaire, qui a écrit de bien belles choses à ce sujet, je crois qu’on n’a pas fait mieux que lui :

      Pour l’enfant, amoureux de cartes et d’estampes,
      L’univers est égal à son vaste appétit.
      Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
      Aux yeux du souvenir que le monde est petit !

      Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
      Le cœur gros de rancune et de désirs amers,
      Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
      Berçant notre infini sur le fini des mers :

      Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme ;
      D’autres, l’horreur de leurs berceaux, et quelques-uns,
      Astrologues noyés dans les yeux d’une femme,
      La Circé tyrannique aux dangereux parfums.

      Pour n’être pas changés en bêtes, ils s’enivrent
      D’espace et de lumière et de cieux embrasés ;
      La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent,
      Effacent lentement la marque des baisers.

      Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
      Pour partir ; cœurs légers, semblables aux ballons,
      De leur fatalité jamais ils ne s’écartent,
      Et sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !

      Ceux-là, dont les désirs ont la forme des nues,
      Et qui rêvent, ainsi qu’un conscrit le canon,
      De vastes voluptés, changeantes, inconnues,
      Et dont l’esprit humain n’a jamais su le nom !

  2. Vianney … Depuis un certain temps, je trouvais qu’un mec sur un scooter avec un casque, ça manquait de classe ! Et puis, ta photo en provenance directe du Tchad remet un peu cette théorie en question.

    Tu as bien respecté les STOP ??? Il me semble me souvenir d’un flic de N’Djamena légèrement tatillon.

    On ne revient pas indemne d’Afrique … Jamais !

    Enormes bises.

    Benoît

    PS : la prochaine fois, on part ensemble ?

  3. qu’est babe ?

  4. Ca fait rêvé !! J’espère que mon étoile reconduira aussi mes pas bientôt au Tchad… Pour l’instant, je suis en Turquie où j’essaie de me réhabituer au froid !!… tout en apprenant à manger cru, pas facile dans un pays qui a autant de sucreries LOL


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